Le petit haut que l’on ne met jamais
Parfois quand on achète quelque chose, on se trompe. Evidemment, c’est rare que l’on s’en rende compte tout de suite. Le cas échéant, il fau(drai)t vite aller le changer.
Non, la plupart du temps on l’achète, on le lave, on le range. Et on attend. On attend et on oublie presque qu’il est là. Parfois, le matin, quand le moment est venu de choisir les vêtements que l’on va porter, on le voit. On le voit là bien rangé dans le placard. Alors on le sort. On le sort et on le déplie. On le regarde, on l’envisage ; mais on a toujours quelque chose de plus joli à mettre. Quelque chose qui nous va mieux. Quelque chose dans lequel on se sent plus belle.
Parfois c’est la couleur. Parfois c’est la coupe. Parfois on ne sait pas trop. Et, chaque fois, on le remet consciencieusement à sa place. Pour la prochaine fois. La prochaine fois qu’on le sortira du placard. Qu’on le regardera. Qu’on l’envisagera. Qu’on l’essayera peut être. La prochaine que l’on conclura de nouveau qu’il y en fait quelque chose de plus joli à se mettre. La prochaine qu’on le rangera consciencieusement à sa place.
Et puis parfois, un jour – si si – on se met à ranger son placard.
En général c’est là qu’on voit vraiment le vêtement. C’est là que l’on en prend conscience. Que l’on se rend compte que c’était un mauvais achat. Que l’on réalise qu’on ne l’a jamais mis. Conscience de son existence. Conscience de son inutilité.
C’est à ce ce moment précis qu’il faut choisir.
On peut se dire que c’est trop bête de ne jamais l’avoir mis. Se dire que maintenant on va le mettre. On peut s’obliger à le mettre pour le rentabiliser un peu. S’obliger à le mettre même s’il nous va moins bien qu’un autre. S’obliger à le mettre pour minimiser l’erreur de l’achat. Alors, on le met de nouveau dans le placard. Alors, il continue à prendre de la place. Alors, parfois on le voit, parfois on ne le voit pas. Parfois on le voit, parfois on le sort mais il y a toujours quelque chose qui ne va pas. On peut faire ça.
On peut aussi se dire que l’on s’est trompé. Que l’on a mal placé son argent. Accepter le fait que l’on ne va même peut-être pas réussir à le revendre mais qu’il faut l’enlever. Il faut l’enlever pour libérer de la place. Dans le placard, dans notre esprit. Il faut l’enlever pour ne plus perdre de temps. A regarder tous les vêtements qui ne nous vont pas, à les envisager, à les essayer, à les re-ranger. Qu’il faut l’enlever pour ne pas perdre de confiance. A essayer un vêtement qui nous plait pas. A s’en vouloir de s’être trompé.
Parce que quand on l’aura enlevé, on aura rapidement oublié qu’il a, un jour, été là. On aura rapidement oublié que l’on avait fait un mauvais achat. On aura rapidement oublié à quel point on se sentait moche dedans. On aura oublié tout ça et on n’aura plus qu’à mettre ceux qui nous vont bien.
A les mettre, et à nous sentir belle.