Le corps n’est pas une poubelle
Parfois on n’a plus faim. On n’a plus faim, et pourtant on finit son assiette. Parfois on le fait par culpabilité vis-à-vis de ceux qui n’ont pas suffisamment à manger. Parfois on le fait par habitude. Parfois on le fait sans même s’en rendre compte. Et parfois on le fait parce qu’on n’a pas le choix. Parce que quelqu’un nous y oblige. Quelqu’un nous menace. Quelqu’un sans doute plein de bonnes intentions et de convictions sur ce qu’il convient de faire ou de ne pas faire. Quelqu’un qui est convaincu qu’il est impératif de nous apprendre à finir notre assiette.
Et pourtant, finir son assiette quand on a plus faim, c’est violent. C’est violent pour son âme, c’est violent pour son corps.
C’est violent car c’est nier les signaux de satiété qu’ils nous envoient. C’est violent parce que c’est nier une fonction essentielle de notre corps.
Finir ou obliger quelqu’un à finir son assiette, c’est se dire qu’il faut mieux que le surplus de nourriture aille dans un corps plutôt que dans la poubelle. C’est faire un choix entre la poubelle et le corps de votre enfant. C’est prendre votre/son corps pour une poubelle.
Un jour j’ai compris cela. J’ai compris que, parfois, je rajoutais des aliments dans mon corps pour ne pas les jeter. J’ai compris que je rajoutais des aliments dans mon corps pour ne pas les mettre à la poubelle. J’ai compris qu’en faisant cela, je prenais mon corps pour une poubelle, et j’ai refusé de continuer.
Parfois quand on a plus faim, il vaut mieux s’arrêter. Il vaut mieux prendre conscience de toute cette nourriture qui reste dans notre assiette et dont nous n’avons pas besoin. Il vaut mieux prendre conscience de tout ce gâchis. En prendre conscience pour changer de comportement. En prendre conscience pour ce servir moins la fois suivante. En prendre conscience au lieu de tout faire disparaitre dans son ventre comme q’il n’y avait pas eu d’erreur de dosage. Comme si on pouvait répéter cela en boucle. Comme si c’était à notre corps de s’adapter à la portion servie.
Parfois quand on a plus faim, il vaut mieux retirer son assiette. Mettre la fin dans un tupperware en verre (que l’on traitera en premier lors du prochain repas). Même si tout le monde n’a pas fini. Même si la conversation n’est pas terminée. Car le premier à écouter dans ce cas là, c’est son corps. Car la première à écouter dans ce cas là, c’est sa tête.
Parce que si on visualise bien le travail des éboueurs qui viennent chercher nos poubelles, on n’imagine pas le travail de notre corps pour assimiler la nourriture. Toute l’énergie qu’il va lui falloir pour digérer toute cette nourriture superflue. Parce que ce n’est pas anodin. Parce que notre corps n’est pas une poubelle.